Mineur ou majeur : vérification de l’âge de l’étranger - présomption de validité des actes d’état civil établi par l’autorité étrangère
L’essentiel
La Cour administrative d'appel de Lyon vient de faire droit à l'appel dirigé contre un jugement du tribunal administratif de Lyon par lequel le magistrat délégué de ce tribunal avait confirmé la légalité de décisions du Préfet du Rhône obligeant un jeune ressortissant burkinabais, dont la minorité n'avait pas été reconnue, à quitter le territoire français.
La Cour a, au contraire, reconnu cette minorité, ce qui interdisait au Préfet d'édicter une obligation de quitter le territoire français en application du 1°) de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA)
Par son arrêt du 3 mai 2018, la Cour vient à nouveau confirmer :
- la relativité des résultats des tests osseux sur lesquels se fonde l'administration préfectorale pour décider de la minorité d'un ressortissant étranger
- le principe de présomption de validité des actes d'état civil établis par les autorités étrangères découlant de l'article 47 du code civil
- et l'existence d'une procédure de vérification des actes d'état-civil étrangers prévu par l'article L.111-6 du CESEDA
Les faits et la procédure
M. X. soutient être né le 20 octobre 2001 et a produit un acte d’état civil ivoirien daté du 30 décembre 2016, mentionnant une telle date de naissance.
En première instance, le préfet a produit une pièce selon laquelle M. X. aurait été interpellé par les services de police pour des faits de recel de faux et escroquerie à raison de la détention de cet acte d’état civil, considéré comme falsifié. Toutefois, la décision litigieuse ne se fonde pas sur le caractère falsifié de cet acte d’état civil, dont il n’est pas fait mention, mais sur les seuls résultats de l’examen osseux pratiqué sur M. X. et dont le rapport a été établi le 16 mai 2017.
L’arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Lyon
L’administration devait affirmer et démontrer que l’acte d’état civil détenu par M. X. était falsifié, en indiquant les anomalies permettant de le considérer comme tel. Or, l’administration n’a pas produit le rapport du service des fraudes documentaires qui est seulement mentionné dans les procès-verbaux d’audition de M. X. par les services de police, produits par le préfet en première instance, et non accompagnés d’un mémoire en défense.
Si le préfet affirme pour la première fois en appel que les tampons apposés sur l’acte d’état civil détenu par M. X. comportent des anomalies, cette seule affirmation, dépourvue de toute précision et sans production du rapport déjà mentionné du service des fraudes documentaires, est insuffisante pour considérer que cet acte était un faux et que le préfet a renversé la présomption de validité qui s’y attache. A défaut d’établir le caractère falsifié de l’acte produit, il incombait à l’administration de solliciter les autorités de l’Etat ivoirien, afin de vérifier le caractère authentique de l’acte dont se prévaut M. X.. L’administration n’ayant pas procédé à de telles vérifications, elle ne pouvait écarter l’acte d’état civil produit par M. X. et se fonder uniquement sur les résultats d’examens médicaux, dont le caractère imprécis et contesté par la communauté médicale, ne permet pas d’établir, à eux seuls, la majorité de l’intéressé. Ce dernier a, par ailleurs, produit en appel, sans que le préfet ne critique sérieusement la portée de ces documents en faisant valoir qu’ils sont postérieurs à la décision litigieuse, une attestation consulaire selon laquelle l’acte d’état civil produit par M. X. est authentique, une carte d’identité consulaire, établie le 8 août 2017, et mentionnant une date de naissance conforme à ses dires, un certificat de nationalité burkinabé en date du 2 août 2017, qui atteste également de la date naissance alléguée, une attestation d’une personne qui indique avoir accompagné M. X. au consulat et qu’il s’est bien vu remettre les documents précités. M. X. a également produit une attestation tenant lieu de passeport de la part du consulat du Burkina Faso, confirmant toujours la date de naissance alléguée et, en dernier lieu, une ordonnance du juge des enfants de la cour d’appel de Versailles, en date du 27 octobre 2017, retenant la minorité de M. X. et ordonnant son placement à l’aide sociale à l’enfance.
Dans ces conditions, M. X. doit être regardé comme ayant été mineur à la date de la décision litigieuse, laquelle méconnait, par suite, les dispositions précitées du 1° de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Il s’ensuit que l’obligation de quitter le territoire français en date du 7 juin 2017, adressée à M. X. doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de cette mesure et lui interdisant de revenir sur le territoire français pendant dix-huit mois.